Le temps. La mémoire. La trace. L’hommage. Le temps qui passe et imprègne les lieux et les objets. Ce sont les mots qui viennent à l’esprit devant l’exposition que Maud Wallet a proposée en mai à Poussière d’image.
Ingénieur de formation, Maud a été liée à la vie d’une usine de cartons, qui a fermé en 2019 après 70 ans d’activité. Quelques jours avant cette fermeture, elle a obtenu la permission de photographier le lieu, juste avant que tout ne disparaisse. Les travailleurs sont déjà partis, mais pour Maud ce n’est pas grave : cette série sera un hommage à leur travail. Elle choisit de montrer le lieu et les objets laissés à l’abandon pour comprendre la vie qui les a accompagnés. Que reste-il des gens dans ces objets ? Quelle est la trace que laissent les gens en quittant un lieu ? Objets et lieux deviennent les témoins du temps qui passe, de la vie et de l’activité des hommes.
J’ai tout de suite été captivée par ce travail où le temps s’est arrêté, mais les souvenirs restent présents.
La proposition a un caractère universel : ces objets rappellent d’autres histoires, d’autres fermetures, d’usines ou d’autres lieux. Nous faisons un parallèle avec l’importance des objets dans les différents domaines de l’histoire humaine ; les objets s’utilisent, remplissent la planète de sens, et nous permettent aussi de retrouver des histoires passées.
Du point de vue artistique, le travail est d’une grande finesse. Les images fortement composées se succèdent avec fluidité : un casier, une bibliothèque d’archives ou un escalier ; une poubelle abandonnée, un espace de travail et ses machines, un banc que l’on imagine lieu de conviviale réunion. Des images en plan général alternent avec des gros plans riches en détails ; l’ensemble nous invite à imaginer des histoires et nous procure des émotions. C’est un travail à la fois d’orfèvre et de grande cohérence.
Côté technique, rien n’a été laissé au hasard. Maud a choisi de tirer ses images sur un papier Crumière du même âge que l’usine – 70 ans – avec la technique du Lith. Elle a d’abord photographié en argentique puis scanné les images en format numérique. A partir des calques obtenus, elle a réalisé des tirages par exposition de contact sur le papier ancien, utilisant comme révélateur le Lith poussé au maximum afin d’obtenir le maximum de contrastes.
Les cadres ont été également réalisés par Maud avec de la bande gommée, selon une technique des années 50. Il résulte de l’ensemble de ces procédures des images saisissantes, d’une teinte particulière qui renforce l’extrême originalité de ce sujet.
En tant que pratiquante de photo de rue, dans un jeu perpétuel avec la présence humaine, j’ai été profondément émue par cette exposition qui m’a invitée à réfléchir et à ressentir d’une autre manière.
Merci Maud pour cette exposition pleine de sens, qui nous montre que le travail d’un artiste est avant tout un témoignage personnel, permettant d’ouvrir une infinité de possibilités et de voies” (Paola Jorquera).